Maurice de Gheest, la dynastie Head, Marchand d’Or et Edmond Blanc!

Dimanche prochain, se disputera le Prix Morny, le dernier des six Groupes 1 que compte le meeting.

Alors que ce dernier s’achève et que la rentrée parisienne arrive à grands pas, retour sur un Prix qui porte le nom d’un homme qui portait un amour inconditionnel aux courses. Lui qui fut à l’origine de l’hippodrome devenu le premier hippodrome français en plat, vitrine des courses françaises, Longchamp, et de l’hippodrome qui est le plus utilisé depuis pratiquement 10 ans maintenant, Deauville.

Le Duc de Morny (1811 – 1865)

Frère utérin de Napoléon III, il est connu pour être à l’origine de la création de l’hippodrome de Longchamp, mais également de celui de Deauville !


L’hippodrome de la côte normande a toujours été soutenu, que ce soit dans sa création ou sa préservation, par les grands noms du milieu. Ainsi, cinq ans après les courses sur la plage en 1859, qui constituaient le premier meeting de l’histoire des courses de Deauville, le Duc de Morny inaugure en 1864 l’hippodrome normand de la côte fleurie, lui qui voulait prolonger les courses parisiennes près de la mer et dans un climat plus appréciable au moment de la belle saison. C’est durant l’été 1864 que les deux premières réunions auront lieu, les 14 et 15 août.
L’année suivante, c’est tout naturellement que le Prix Morny, Groupe 1 pour les 2 ans, est créé et en 1871, le Grand Prix de Deauville Gr.II verra le jour.
En 1887 les premières ventes de Pur-Sang auront lieu.
Aujourd’hui encore, tout ce qui a été créé et imaginé vit et revit au fil des années. Le meeting compte désormais des courses de prestige durant tout le mois d’août, portant le nombre de Groupe 1 à six.

Portrait du Duc de Morny

Maurice de Gheest (1850 – 1920)

Membre du comité de la Société des Courses de Deauville (dont il fut nommé commissaire en 1913), de la Société du Demi-Sang et de la Société des Steeple-Chases de France, Maurice de Gheest siégea au conseil d’administration jusqu’à sa mort subite le 31 octobre 1920.
Trois fois vainqueur du Grand Prix de Deauville qui se court le 27 août prochain, il remportera sa première victoire en 1895 avec un cheval prénommé Merlin.
Associé en 1894 avec le marquis de Nicolay, propriétaire du haras de Montfort, qui avait progressivement développé un élevage de qualité depuis 1864, le début de leur association n’est pas une réussite, avec Merlin qui se révèle être mauvais à la reproduction.
Mais qu’importe, ils misent sur un autre étalon, Rabelais, qu’ils ont judicieusement importé à l’automne 1904. Dès sa première production, ils obtinrent Verdun, qui, vendu sur le ring de Deauville, enleva en 1909 la Poule d’Essai, le Grand Prix de Paris et le Prix du Président de la République pour le Baron Maurice de Rothschild. Il apportera ensuite bien plus de satisfaction également au haras.
Œuvrant toute sa vie pour les courses avec un engagement sans faille, il obtiendra en son hommage un Groupe 1, lui qui décédera au lendemain de la cérémonie l’ayant sacré Chevalier de la Légion d’honneur…

La dynastie des Head

La famille Head, c’est avant tout une histoire, une réussite, y compris à Deauville. C’est l’histoire d’une famille qui détient le record de victoires dans les Groupes 1 de la côte normande avec plus de 30 succès !


Des jockeys, des entraîneurs, des propriétaires-éleveurs qui gagnent depuis la nuit des temps. Un grand-père déjà entraîneur à succès, un père qui rachète un haras pour acquérir en peu de temps une notoriété mondiale et faire naître des cracks. Une femme entraîneur qui excelle, montre la voie et détient pratiquement tous les records, à une époque où les femmes étaient très minoritaires dans ce métier d’homme, rude, extrêmement exigeant. C’est aussi un frère, Freddy, jockey d’exception comptant 19 victoires de Groupe 1 en tant que jockey uniquement à Deauville, et 17 de plus en tant qu’entraîneur.

Freddy à gauche, Alec au centre et Criquette à droite

Ce sont de belles histoires de famille avec les chevaux aussi. Three Troïkas est une démonstration de réussite; repérée et achetée par Alec, elle était la propriété de Madame Head et sous l’entraînement de Criquette.
Elle remportera le Prix de l’Arc de Triomphe sous la selle de Freddy.
Mais aussi l’histoire de Trêve, née au haras, qui remportera elle aussi l’Arc de Triomphe, à deux reprises cette fois. Freddy devenu entraîneur, elle ne pourra pas se faire avec son aide, mais c’est à nouveau une démonstration de réussite, Trêve ayant couru au début de sa carrière sous les couleurs du haras avant d’être rachetée par Al Shaqab après son succès dans le Prix de Diane !
La suite de la réussite familiale est déjà assurée avec les deux enfants de Freddy; Victoria et Christopher. Ce dernier étant déjà lauréat de Groupe 1.

Alec Head (1924 – 2022)

Disparu il y a un peu plus d’un an maintenant, au mois de juin 2022, ce fut un homme brillant dans tous les domaines des courses, perpétuant la classe et la réussite familiale à merveille. Jockey, propriétaire-éleveur, entraîneur, mais aussi à la tête du commerce du haras qu’il a racheté et fait grandir, Alec Head a marqué l’histoire des courses de par sa réussite dans les Prix Maurice de Gheest et Morny, celle de Deauville.
Propriétaire de l’incroyable étalon Anabaa, qu’il a sauvé de la mort, devenu père entre autres de Goldikova, il a eu comme dernière grande réussite Trêve, double lauréate du Prix de l’Arc de Triomphe, entraînée par sa propre fille Criquette Head.


En 1941, à même pas 17 ans, il gagne sa première course en tant que jockey, mais une mauvaise chute lui fera abandonner cette carrière. En 1947, il devient entraîneur et s’installe à Mesnil Le Roy. Dès sa deuxième année d’exercice, il se classe 7e au classement des entraîneurs d’obstacle et remporte son premier Groupe, le Grand Prix du Printemps Gr.II, devenu Prix Chaudenay depuis.
Très vite, il obtient la confiance de Pierre Wertheimer, casaque qui lui sera fidèle, tout comme à ses enfants par la suite. Et c’est Nuccio qui sera au départ de la collaboration, association qui débutera en fanfare puisqu’il remporte l’année suivante avec ce même cheval le Prix de l’Arc de Triomphe, ce qui fera de lui le plus jeune entraîneur à avoir remporté la plus belle course du monde jusqu’en 1990. Il aura également à la même période l’honneur de se voir confier les pensionnaires de la casaque Aga-Khan.


À l’hiver 1954, il décidera de quitter Maisons-Laffitte pour Chantilly. Ce seront ses années phares, devenant tête de liste des entraîneurs, devant François Mathet, et dans le top 6 en même temps en obstacle. En tout, il sera sacré 5 fois meilleur entraîneur français. Son premier Groupe 1 ce sera à Deauville, dans le Prix Morny en 1950, avec Sanguine, juste après son installation à Maisons Laffitte.
Aimant tout particulièrement l’Angleterre, lui qui s’est lié d’amitié avec la famille royale et la Reine en personne, il remporte en 1956 le Derby d’Epsom avec un cheval prénommé Lavandin.


En 1958, il achètera le Haras du Quesnay, où beaucoup de chevaux de grande classe verront le jour, avec entre autres Détroit, Zelzal, For Fun, ou encore Trêve !
Au total, il remportera 84 Groupes 1.

Trêve avec Alec et Criquette

Christiane Head-Maarek dit “Criquette”

Née en 1945, de son vrai nom Christiane Head-Maarek, elle fait partie d’une famille d’Homme de chevaux.

Criquette commence sa carrière après des études à l’étranger et notamment en Angleterre. Assistante de son père avant de devenir entraîneur en 1978 elle est gagnante avec son premier partant le 5 mars 1978 a Rouen et va rapidement trouver le chemin du succès dans les belles courses avec notamment Three Troïkas qui remporte la Poule d’Essais des Pouliches, le Prix Saint Alary, le Prix Vermeille et le Prix de l’Arc de Triomphe dès l’année suivant son installation.

En 1984 elle prend la relève de son père pour l’entraînement de la casaque Wertheimer et deux ans plus tard elle devient la première femme à être tête de liste des entraîneurs en France. Impliquée dans la vie des courses elle est présidente de l’Association des Entraîneurs Français de 1998 à 2018 et de la Fédération Européenne des Entraîneurs de Galop de 2007 à 2018.

Pour son immense carrière, parce qu’elle a ouvert la voie aux femmes, et pour son incroyable réussite a tout les niveaux, elle sera faite Officier de la Légion d’Honneur en 2005.

Au total, Criquette Head-Maarek a remporté plus de 1000 courses et a entraîné de nombreux chevaux de renom, tels que Trêve, gagnante de deux Prix de l’Arc de Triomphe en 2013 et 2014. Elle aura même brillé à Auteuil en 1978 avec un cheval de l’élevage: Patchwork.

Sur le plan humain elle aura ouvert la voie aux femmes, en compagnie notamment de Myriam Bollack-Badel, et un peu plus tôt Églantine de Granvilliers et Catheryne Verney (dixit France sire) mais restera le plus beaux palmarès féminin à ce jour ! Criquette prendra sa retraite en tant qu’entraîneur en 2018 après 40 ans de carrière. Elle reste une figure emblématique du monde des courses de chevaux en France et dans le monde entier avec près de 79 victoires de Groupe 1 dont 3 Prix Maurice de Gheest et 3 Prix Jean Prat et restera le femme entraîneur la plus titrée de l’histoire.

Aujourd’hui encore elle joue un rôle dans le milieu en tant qu’éleveur et propriétaire.

Freddy en selle sur Three Troïkas

Freddy Head

Freddy Head, c’est l’excellence, la sobriété, la classe à l’état pur. Jockey, puis entraîneur avant de devenir propriétaire, il a brillé dans toutes les strates de ce milieu. Rien ne lui aura échappé et surtout pas le meeting de Deauville qu’il affectionne tant.


Le jeune retraité a commencé en tant que jockey tout d’abord, pendant de longues années, 33 ans pour être précis, au cours desquelles il remportera entre autres 4 Prix de l’Arc de Triomphe, le premier à 19 ans à son retour d’Australie où il avait été envoyé par son père. Mais aussi 6 Prix Rothschild, 6 Prix Jacques Le Marois, 4 Prix Morny, 2 Prix Jean Prat et 1 Prix Maurice de Gheest. Au total, il les remportera tous, puisque le sixième, le Prix Jean Romanet, n’existait que depuis 2004, impossible donc de le remporter en tant que jockey. Il est détenteur du record de victoires dans le Prix Rothschild et deuxième dans le Prix Jacques Le Marois, désormais à deux longueurs de Lanfranco Dettori qui a signé son huitième sacre le week-end dernier.


Une longue carrière au cours de laquelle il montera bien des cracks, lui-même dit en avoir trop monté pour pouvoir tous les citer, avant de prendre sa retraite à 50 ans et devenir alors entraîneur.
Il sera sacré à six reprises Cravache d’Or.
L’entraînement, c’est une décision bien mûrie pour le professionnel mais qui ne fait aucun doute de l’extérieur.
En 25 années d’activité, il remportera 39 Groupes 1 dont 17 à Deauville…


Marchand d’Or sera son premier élève à lui offrir ces courses si chères aux yeux d’un entraîneur, si importantes pour les propriétaires, marquantes dans la vie d’un cheval et de son entourage. Freddy avait déjà un nom et un talent, mais il devait prouver sa qualité en tant qu’entraîneur et c’est chose faite. Marchand d’Or lui offrira 3 Prix Maurice de Gheest, lui qui avait débuté septième dans un réclamer avant de remporter sa Listed dans le Prix du Pont Neuf à Longchamp 3 courses plus tard.
En 2011, il se classera troisième du même Prix Maurice de Gheest où l’on retrouve à la première place Moonlight Cloud, un pensionnaire de… Freddy Head ! Au moment de l’annonce de sa retraite, il avouera qu’en tant qu’entraîneur, Marchand d’Or aura été le cheval qui l’a le plus marqué.

La famille Wertheimer

L’écurie des frères Wertheimer a été fondée par Pierre Wertheimer en 1911.
Riche homme d’affaires, il est le propriétaire de la marque de haute couture Chanel. Aujourd’hui, la casaque porte la mention “frère” de par l’association de Gérard et Alain, les deux petits-fils de Pierre, qui ont succédé à Jacques, leur père.

Olivier Peslier en compagnie d’Alain et de Gérard


C’est en 1950 que la casaque commence à briller sur les hippodromes, après qu’un an plus tôt, les pensionnaires de l’écurie aient été confiés à Alec Head, alors tout jeune entraîneur.
De toute évidence, la famille Wertheimer a su s’entourer des meilleurs et est restée fidèle.
Et malgré leur impressionnant élevage comptant plus de 90 poulinières en Europe et 25 aux États-Unis, elle ne se disperse qu’entre quelques entraîneurs, dont la famille Head avec qui tout a réellement commencé et qui a écrit ensemble les belles pages de l’histoire hippique. La famille Head donc en première ligne, mais aussi des contrats avec des jockeys de classe, Maxime Guyon certes, mais également Olivier Peslier.
Freddy Head déclarait d’ailleurs au moment de tirer sa révérence que la carrière de Goldikova sans Olivier Peslier aurait sûrement été différente, supposant qu’elle n’aurait certainement pas été aussi belle, soulignant au passage la qualité d’Olivier.

En tout, ce sera 17 Groupes 1 pour la casaque associée à l’homme des 100 Groupes 1. La première sera avec un cheval nommé Fidelité… il y a des choses qui ne trompent pas !


À Deauville, la famille Wertheimer brillera à une douzaine de reprises dans les Groupes 1, et elle passera surtout d’un entraîneur à l’autre de la famille Head. Criquette récupérera les chevaux de son père avant que les frères fassent confiance à Freddy, lui qui a tant gagné pour eux.


La famille Wertheimer, c’est plus de 100 ans d’histoire, une histoire intimement liée à Deauville et à la famille Head. Aujourd’hui, l’aventure continue puisqu’ils viennent d’acquérir Pensée du Jour, une pouliche de la casaque Wildenstein, entraînée par André Fabre et qui a déjà montré une certaine qualité, qui cherchera à s’illustrer dimanche prochain dans le Prix Alec Head…

Miesque

Elle fait ses débuts à Deauville, dans le Prix de Lisieux, qu’elle remporte assez sûrement. Propriété de la casaque Niarchos, elle va être associée tout au long de sa carrière et de ses 10 victoires de Groupe 1 à Freddy Head. Poule d’Essai, 1000 Guinées anglaises, deux Breeder’s Cup Mile aux États-Unis et deux victoires dans l’important Prix Jacques Le Marois. La globetrotteuse de François Boutin fera le plaisir au public deauvillais de s’y produire avec succès après avoir assisté à la naissance en course de cette crack hors normes.

Marchand d’Or

C’est LE cheval qui a offert à Freddy Head la consécration en tant qu’entraîneur.
Triple vainqueur du Prix Maurice de Gheest, il s’est illustré sur le sprint jusqu’en Grande-Bretagne. En 2008, il réalise le triplé Darley July Cup Gr.I – Prix Maurice de Gheest Gr.I – Prix de l’Abbaye de Longchamp Gr.I, et devient par la même occasion en France le premier cheval à remporter trois fois consécutivement le même Groupe 1.

Hector Protector

Il est tout simplement invaincu à Deauville.
En trois sorties, il a couru un Groupe 3, le Prix de Cabourg, avant de faire partie des 9 chevaux de l’histoire à réussir le doublé Prix Morny – Prix Jacques Le Marois, avec en selle bien sûr, l’exceptionnel Freddy Head…
En 12 sorties au total, Hector Protector remportera 9 courses et 5 Groupes 1. Incroyable cheval !

Moonlight Cloud

Elle aussi a fait ses débuts gagnants à Deauville, dans le Prix de la Motte Passy cette fois. Ensuite, elle reviendra à Deauville à cinq reprises, pour y remporter 4 Groupes 1 et se classer 4e du cinquième.
En 2012 justement, elle tente une première fois le doublé Prix Maurice de Gheest – Prix Jacques Le Marois qui se court à une semaine d’intervalle. Elle n’y parvient pas, mais qu’importe, Freddy Head sent qu’elle peut le faire, et revient en 2013 pour le prouver. Elle devancera d’une petite tête Olympic Glory dans le Prix Jacques Le Marois, ce qui reste suffisant pour valider le palmarès d’une pouliche de grande classe.

Goldikova, le trio Wertheimer – Head – Peslier

Jument exceptionnelle, elle n’a fait que retranscrire la carrière incroyable de son entourage. Déjà, pour qu’une pouliche ait son palmarès, il faut être capable de la garder à l’entraînement jusqu’à ses six ans. Un peu comme l’a fait Enable un peu plus tard, les hommes de défis qui l’entourent lui ont permis d’exprimer sa qualité. Et notamment à Deauville où elle s’y produira sept fois, à chaque fois dans des Groupes 1 pour cinq victoires ! 5 Groupe 1 à Deauville parmi ses 14 Groupes 1 remportés et son triplé dans la Breeder’s Cup. Elle réalise le quadruplé entre 2008 et 2011 dans le Prix Rothschild et enlèvera le Prix Jacques Le Marois en 2009 réalisant cette année le doublé Rothschild – Marois !

Deauville et Edmond Blanc

C’est avec une petite anecdote que l’on termine notre épisode du jour. Edmond Blanc, c’est avant tout un homme politique français, Maire de la Celle Saint-Cloud et propriétaire-éleveur qui va transformer l’ancienne ferme expérimentale de Saint-Cloud en un hippodrome.
Un énorme chantier qui sera confié à l’architecte Léon Berthault, chargé d’imposer un style anglo-normand au champ de courses (première dénomination lors de son inauguration), une attache toute particulière qu’Edmond Blanc tenait à retrouver dans son architecture qui en sera d’ailleurs félicitée par le Roi d’Angleterre Edouard VII lors de sa visite le 1er mai 1905. Un Groupe 3 a été créé sur l’hippodrome du Val d’Or en sa mémoire.
8 fois vainqueur du Prix Morny, il a une histoire toute particulière avec Deauville et son meeting, puisque le 17 août 1919, lui sera adjugé Ksar sur le ring de vente deauvillais. Ce cheval deviendra un véritable phénomène, puisqu’il remportera le Prix Jockey Club Gr.I et sera double vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe Gr.I.

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