La côte normande: entre prestige et décontraction.

La Normandie, terre de courses, d’élevage et de chevaux, est réputée depuis toujours pour son climat et sa vocation de région du cheval. Les plus grands élevages y sont installés et les plus gros investisseurs y achètent des haras afin de perpétuer la culture, mais surtout de s’assurer des installations de qualité. La côte normande offre grâce à son climat des herbages d’une extrême qualité, et les températures permettent aux chevaux de s’y sentir bien toute l’année. La proximité avec l’océan est un plus dans l’approche bien-être du cheval, ce qui en fait un avantage non négligeable. C’est d’ailleurs en partie pour ces raisons, et certainement pour de nombreuses autres, que Jean-Claude Rouget a décidé de délocaliser une partie de son écurie de Pau en s’installant en 2018 sur le centre d’entraînement de Deauville.

Hippodrome de Deauville

Ainsi, chaque été, l’hippodrome de Deauville et celui de Clairefontaine, distants d’à peine deux kilomètres, organisent leur meeting. À l’heure où l’on écrit cet article, c’est d’ailleurs le moment des derniers préparatifs pour Deauville, alors que Clairefontaine est déjà en plein rush.

Deauville

L’hippodrome de Deauville a toujours été soutenu, que ce soit dans sa création ou sa préservation, par les grands noms du milieu. Ainsi, cinq ans après les courses sur la plage en 1859, qui constituaient le premier meeting de l’histoire des courses deauvillaises, le Duc de Morny inaugure en 1864 l’hippodrome normand de la Côte fleurie. Déjà, durant l’été de cette année, les deux premières réunions auront lieu les 14 et 15 août.

L’année suivante, tout naturellement, le Prix Morny, Groupe 1 pour les 2 ans, est créé. En 1866, ce sera au tour du Prix de la Coupe de Deauville, et un peu plus tard, en 1871, le Grand Prix de Deauville Gr.II verra le jour. En 1887, les premières ventes de Pur-Sang auront lieu, et jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’hippodrome sera remanié afin d’innover et d’améliorer les installations, notamment grâce au Comte Jacques Le Marois, qui mettra en place une série d’aménagements sur et en dehors de la piste.

Les premières ventes de Pur-Sang à Deauville

Parmi ceux-ci, la ligne droite de 1600 mètres sera construite, et de nouvelles tribunes seront érigées. Ainsi, un Prix sera créé en hommage au Comte, le Prix Jacques Le Marois, Groupe 1 disputé sur la ligne droite de 1600 mètres. À la fin du siècle, l’hippodrome sera menacé, mais grâce à des innovations constantes et à la création du centre d’entraînement en 1982, l’hippodrome de Deauville survivra pour devenir, depuis 2007, l’hippodrome accueillant le plus de courses sur une année.

Enfin, en 2003, une piste en sable fibré (PSF) sera installée, ce qui permettra de courir également en hiver et d’accueillir un meeting en décembre, janvier et mars depuis 2003-2004. Ce meeting, bien que moins intensif que celui de Cagnes, soulagera la piste en gazon. Depuis l’année dernière, un éclairage a été installé, permettant également d’organiser des nocturnes et de dynamiser les courses en offrant un spectacle différent et une ambiance plus festive. Le meeting de Deauville accueille désormais une vingtaine de réunions tout au long du mois d’août, avec une fréquentation toujours en hausse et des courses de prestige.

On compte quatre courses de Groupe 1: le Prix Rothschild, Maurice de Gheest, Morny et Jacques le Marois. Chaque année, les statistiques entre les Anglais/Irlandais et les Français sont scrutées lors des belles épreuves. Malheureusement, pour reprendre l’expression de Christophe Soumillon qui s’est exprimé il y a quelques semaines au micro d’Equidia, “on a l’impression qu’ils ne font pas le même sport que nous”, notamment sur les courses de vitesse où ils ont pris l’habitude de nous battre avec les 2 ans. Toutefois, les Français se démarquent dans les autres épreuves, ce qui leur permet de rivaliser voire de dominer cette opposition.

Dans les quatre Groupe 1, Marcel Boussac se distingue en tant que premier propriétaire avec pas moins de 30 victoires. Il est à noter que la casaque Yoshida, habituellement peu représentée à ce niveau, compte 5 victoires dans le Prix Rothschild, ce qui en fait la casaque ayant remporté le plus de succès dans cette course !

Chez les entraîneurs, aucun ne se détache réellement, avec des victoires réparties entre André Fabre, François Mathet, François Boutin, Freddy Head, et les Cunnington : John senior, John junior, ainsi que Charles.

Du côté des jockeys, on retrouve l’exceptionnel Freddy Head, détenteur du record dans le Prix Rothschild avec 6 victoires. Il se place à la deuxième place du podium dans le Prix Jacques Le Marois, à une longueur de Lanfranco Dettori. Lester Piggott et Gérald Mossé sont à égalité dans le Prix Maurice de Gheest, tandis que Georges Stern n’a plus de concurrents depuis bien longtemps dans le Prix Morny; Edgar Rolfe et Frankie Dettori sont ses deux rivaux les plus sérieux avec 6 victoires, mais l’un a terminé sa carrière tandis que l’autre conclut sa dernière saison cette année.

Parmi les chevaux, on notera Djebel, Caravelle, Divine Proportions, Miesque, Marchand d’Or, Alpha Centauri, Muthatir, Kingman, Laurens, Mandesha, et également Goldikova, à l’arrivée de ces différents Groupe 1.

Cette année, le meeting d’été se déroulera du 30 juillet au 27 août 2023.

Clairefontaine

Chaque année, pendant la saison estivale, Clairefontaine est le théâtre de belles épreuves en plat, mais bénéficie également d’un très beau programme d’obstacles, faisant de cet hippodrome le seul en Normandie à proposer les trois disciplines. Entre le trot et le plat, l’obstacle a su se faire une place et s’est forgé une réputation tout au long du mois de juillet.

Avec près de 70 000 visiteurs au cours des deux mois, le programme d’obstacles attire presque autant de passionnés que celui en plat sur “l’hippodrome aux 100 000 fleurs”. Les réunions d’obstacles sont nombreuses en juillet, tandis qu’en août se déroulent les belles épreuves ainsi que des réunions mixtes ou plates.

Hippodrome de Clairefontaine avec son architecture et ses fleurs

Avec son architecture à colombages, le “petit Clairefontaine” est inauguré le 8 août 1928, soit 64 ans après son cousin situé à quelques encablures. Quatre ans après l’acquisition du terrain, il sera agrandi avec la création en 1936 d’une grande piste de steeple en plus de celle de plat, qui seront inaugurées en 1937.

Désormais, le meeting d’obstacle propose de belles épreuves, notamment le Grand Steeple de la Ville de Deauville et la Grande Course de Haies, toutes deux labellisées Listed ! L’hippodrome dispose d’une piste de haies avec des parcours de 2 700 à 3 600 mètres, ainsi que d’une piste de steeple avec des parcours de 3 400 à 4 300 mètres. Son parcours de steeple atypique, avec sa longue ligne droite et son passage “au double de haies” rappelle un enchaînement d’obstacles en CSO.

Ici, on ne recensera pas vraiment des chevaux qui ont marqué l’histoire, mais plutôt des Hommes et des chevaux opportunistes qui abordent ce meeting avec un air de vacances. Les courses sont plus joviales, l’ambiance plus détendue. Les chevaux qui s’illustrent sont de bons serviteurs venus chercher de belles courses ou simplement un terrain qui leur convient. Qu’ils soient guerriers ou plus rusés, qu’ils affectionnent le bon terrain ou qu’ils s’adaptent mieux à la chaleur, ils ont tous leurs caractéristiques et leurs raisons de venir chercher ici une gloire plus difficile à atteindre pendant la saison régulière.

En tout cas, le mélange entre le plat et l’obstacle, l’hippodrome décontracté de Clairefontaine et celui plus conventionnel et prestigieux de Deauville, les “petites” courses et les Groupes 1, apporte aux professionnels autant qu’aux spectateurs une ambiance différente, une diversification qui se marie parfaitement avec l’atmosphère des vacances et de la proximité de la mer.

Laisser un commentaire